Les déchets nucléaires

DÉCHET n.m. (de déchoir) 1. (Souvent pl.) Débris, restes sans valeur de qqch. 1. Cequi tombe d'une matière qu'on travaille. (Déchet de laine) * Déchet nucléaire ou radioactif : matière radioactive inutilisable obtenue lors de la mise en oeuvre de matériaux radioactifs (notamm. dans les réacteurs nucléaires). 3. COMM. Déchet de route : freinte.
-- Le Petit Larousse Illustré, Ed. 2001

Avant propos

Toute activité humaine génère des déchets. La croissance démographique et industrielle s'accompagne d'un accroissement du volume de déchets à traiter, conditionner, recycler ou stocker lorsque le recyclage n'est pas possible.
L'industrie nucléaire n'échappe pas à la règle. Cependant ces déchets ne constituent qu'une part minime des déchets produits par la société.[...]
Les déchets nucléaires sont produits à toute les étapes du cycle du combustible nucléaire : extraction minière, enrichissement de l'uranium, fabrication des assemblages, exploitation des réacteurs, retraitement. Ils sont aussi engendrés lors du démantèlement des installations nucléaires. S'y ajoutent les déchets radioactifs produits par les centres de recherche (CEA, ...), ainsi que les industries et hôpitaux utilisant des éléments radioactifs.
-- Plaquette Le Cycle du combustible nucléaire, Commisariat à l'énergie atomique, 1997

Comme on peut le voir, le sujet est vaste et il n'a reçu jusque là pas même le début du commencement d'une solution viable et définitive. C'est peut-être pourquoi il s'agit d'un sujet qui fâche et à propos duquel on peut lire et entendre sur les médias tout et son contraire. Dans un but de vulgarisation nous abordons ci-après les aspects du problème se limitant au cycle du combustible et à l'élimination des résidus des centrales.

Le cycle du combustible

À ce stade les étapes d'extraction minière, transport, purification, transformation en hexafluorure, diffusion gazeuse pour l'enrichissement et finalement transformation en oxyde d'uranium (UO2) ont déjà eut lieu. Cet oxyde d'uranium est appelé "le combustible" car c'est sous cette forme qu'il alimente les réacteurs des centrale électriques.

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L'oxyde d'uranium (UO2) est une céramique noire, très dure, physiquement et mécaniquement très stable, chimiquement peu réactif. Il peut supporter supporter de hautes températures sans fondre ou se déformer. Ces caractéristiques semblent justifier son choix. L'uranium, dans ces conditions, est très peu radioactif et peut être manipulé sans protection. Les personnes qui procèdent à l'assemblage des éléments de combustible portent néanmoins des gants blancs, mais c'est seulement afin de ne pas laisser de traces d'impuretés.

Dans les réacteurs a eau pressurisée que nous prenons ici comme exemple, il est utilisé sous forme de pastilles d'environ 1 cm de diamètre et 1 cm de long. Ces pastilles sont introduites dans des tubes en zircaloy (alliage aluminium-zirconium), ou en acier inox, longs d'environ 4 mètres appelés "crayons". Ceux-ci sont ensuite assemblés en faisceaux qui seront livrés sur le site d'utilisation.


Lors d'un arrêt pour service, la cuve du réacteur est ouverte, les assemblages les plus internes, les plus anciens ou combustible usagé, sont retirés, les plus jeunes sont déplacés vers le centre et les assemblages neufs sont positionnés dans les zones les plus externes où ils séjournent environ deux ans en régime de production. Un assemblage de combustible reste donc dans la cuve durant trois cycles de production, soit une durée pouvant aller de trois à six ans.

Le cycle décrit ci-dessus est dit "cycle ouvert" ou "une passe", c'est celui qui est adopté aux États-Unis où le combustible n'est pas retraité. Certains pays, dont la France ont adopté le principe du retraitement. Le combustible usagé subit, après une période de repos, une suite de processus chimiques, physiques et métallurgiques. Ce combustible recyclé est soumis alors à un second cycle dans le réacteur avant de prendre une retraite définitive. On parle alors de cycle fermé, en fait il ne s'agit, modestement, que d'un second tour de piste, au prix d'une industrie de retraitement difficile, "sale" et polluante.

Le combustible usagé ou déchet

Nous avons parlé ci-dessus de combustile usagé, il devient déchet uniquement par suite de notre incapacité a en tirer parti. En effet il contient encore beaucoup d'uranium mais son irradiation dans le réacteur fait qu'il est devenu inapte à subir encore une réaction en chaîne par suite de sa teneur élevée en produits de fission.

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L'image ci-contre (redessinée et traduite de Scientific American, Août 2009) illustre parfaitement la composition et le devenir des déchets nucléaires.

Pour voir l'image en totalité, cliquez sur ce lien
Déchets nucléaires

Une approximation un peu osée et un calcul simple font apparaître que même dans le cas du "cycle fermé", après un second passage en réacteur, le combustible irradié peut contenir encore plus de 91% d'oxyde d'uranium. Malheureusement inexploitable avec les moyens et les connaissances actuelles.

Ce sont donc ces résidus, considérés actuellement comme déchêts, que nous aurons probablement, ainsi que les générations futures, à maintenir et garder dans des "sanctuaires" appropriés, à propos desquels nul n'a aujourd'hui une vision très nette. Cette quantité de résidus va continuer à croître au fil du temps. D'autant plus que la société de consommation, développée à l'origine dans le monde occidental, puis imposée à l'ensemble de la planète par la mondialisation, s'accomode mal d'une politique raisonnée de l'énergie.

Pour un comparatif des différents cycles du combustible, cliquez sur ce lien
Cycles du combustible nucléaire

Tableau comparatif des options pour l'élimination des déchets

  INCERTITUDE
ENVIRONNEMENTALE
RISQUE DE
DISSÉMINATION
COÛT COMMENTAIRE
ENFOUISSEMENT Science et politique ont encore à se mettre d'accord.
STOCKAGE
EN SURFACE
N'est pas une solution à long terme, bien qu'au bout de 100 ans le déchet soit plus facile à enfouir.
RECYCLAGE
EN RÉACTEUR
Risque de pollution au retraitement, requiert un parc de réacteurs surgénérateurs, inexistant à ce jour.

Note 1 :
Deux solutions sont quelquefois évoquées; mais ne semblent pas envisagées actuellement ;
1 - Expédier les déchets vers le soleil ou bien dans les profondeurs de l'espace.

  • Le coût en serait prohibitif
  • La fiabilité insuffisante des fusées serait susceptible de conduire à des retombées

2 - Enfouir les déchets en bordure des plaques géologiques et laisser la tectonique des plaques, par le phénomène de subduction, faire son oeuvre au fil du temps pour les entraîner en profondeur dans le manteau terrestre.

  • Cette solution paraît au-delà des connaissances et possibilités actuelles

Note 2 :
Pour ce qui est du recyclage en réacteur à neutrons rapides, dit surgénérateur, voir en cliquant sur ce lien, l'épopée de Super Phenix

Conclusion

Le problème reste posé et le débat ouvert. En attendant, les déchets continuent à être stockés, après conditionnement, sur les sites mêmes où ils ont été produits. C'est en effet là que toutes les conditions sont réunies pour les garder à l'abri des tentatives de dissémination et s'assurer de la bonne tenue dans le temps de leur conditionnement. De plus si une solution définitive se faisait jour, c'est aussi là qu'il serait le plus facile de les atteindre.

-- Robert L.E. Billon, Août 2009

Bibliographie

What now for nuclear waste?, Scientific American, August 2009

L'alternative : les réacteurs à sels fondus de thorium

La formule commerciale actuelle du réacteur nucléaire à uranium et eau pressurisée résulte de choix qui furent faits à l'époque de la guerre froide entre les deux grands états impérialistes. Il fallait produire du plutonium pour fabriquer des bombes et disposer de réacteurs à combustible solide pour les sous-marins porte-missiles. Il se trouve que le réacteur à uranium 238 produit du plutonium 239, au prix d'un retraitement du combustible difficile, sale et polluant. Les réacteurs à sels fondus de thorium furent alors relégués aux oubliettes. Une fois la machine lancée, on arrête pas une affaire qui rapporte. Cependant un réacteur à sels fondus de thorium a fonctionné avec succès au Oak Ridge National Laboratory durant quatre ans, jusqu'en 1969.

Le thorium est présent dans l'écorce terrestre en quantités quatre fois supérieures à l'uranium et plus facile à extraire. Les résidus des réacteurs à thorium sont de faible quantité et de courte durée de vie. D'autre part les produits de fission ne donnent pas lieu à une concentration en matériaux pouvant être utilisés pour faire des bombes, l'aspect prolifération est ainsi inexistant.

Le thorium est actuellement négligé par les Etats-Unis, par contre l'Inde, pauvre en uranium mais disposant en quantité de thorium, conduit actuellement des recherches très avancées sur les réacteurs à thorium. Le Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie à Grenoble (voir lien ci-après) est en pointe à l'échelle mondiale pour l'étude des réacteurs à thorium. Cependant ses chances de voir des applications concrètes voir le jour en France sont faibles vu les intérêts en jeu sur des technologies dépassées. En France 80% de l'énergie électrique est produite par des réacteurs à uranium et eau pressurisée, pratiquement déjà payés par le contribuable mais qui génèreront pendant encore des années des profits pour les bénéficiaires des privatisations en cours ou à venir. La France, une fois de plus en pointe sur la recherche, va rater une opportunité de modernisation progressive de son parc énergétique tout en poursuivant une guerre larvée contre les populations pauvres du Niger pour s'approprier l'uranium de ce pays, au risque de rendre des régions entières inhabitables par suite de la pollution générée par l'exploitation des mines.

-- Robert L.E. Billon, Juillet 2010

Pour un comparatif des déchets produits par les deux types de réacteur, cliquez sur ce lien
Comparatif réacteurs Thorium vs Uranium

Bibliographie

Liquid Fluorid Thorium Reactors, Robert Hargraves and Ralph Moir, in American Scientist, July-August 2010

Sur le web, en anglais:
The reactor physics group
Liquid Fluoride Thorium Reactors
Energy from thorium

... en français:
Le groupe de physique des réacteurs

Un cas d'école : le démantèlement du réacteur de Brennilis

L'année 2010 marque les 25 ans du début du chantier de démantèlement de la centrale de Brennilis dans le Finistère. Ce chantier, loin d'être terminé, a déjà coûté vingt fois plus que les 30 millions d'euros prévus bien que le chantier doive encore perdurer des années. Quand on pense qu'il y a, en France, 58 autres réacteurs, bien plus gros, qu'il faudra bien un jour aussi démanteler, on a du souci à se faire et du travail de démolition assuré pour des générations ainsi qu'un un gouffre financier que nos descendants devront assumer. Il est vrai qu'on vient de porter de 40 à 60 ans leur durée de vie, autant (ô temps ?) de gagné.

Mise en route en 1967 la centrale de Brennilis, basée sur la filière uranium naturel-eau lourde-gaz, par la suite abandonnée, avait une puissance de 70 MW. Elle fut arrêtée en 1985, et devait servir de modèle pour le processus de démantèlement des vieilles centrales. En 2006, après bien des péripéties, tant techniques qu'administratrives, on aborde la phase du démantèlement du coeur du réacteur. Phase la plus difficile et la plus dangereuse car la radioactivité résiduelle est mortelle durant encore des décenies pour qui s'approche trop près.

Son historique se décompose donc en trois phases comme suit :

  • 1962 - 1966 construction (4 ans)
  • 1966 - 1985 production électrique (~20 ans)
  • 1997 - 2022 démantèlement (~25 ans, possible 40)

Au total 100.000 tonnes de déchets, dont environ 50 tonnes de produits à longue vie qui devraient être enfouis à 500 m sous terre dans un site qui reste à créer. Un problème majeur, puisqu'il s'agit de réhabiliter le site de Brenillis situé au coeur du Parc d'Armorique, où mettre tous ces résidus ? On ne dispose toujours pas de lieu de stockage, les municipalités n'en veulent pas sur leur territoire et les patrons des sites nucléaires sont peu enclins à s'encombrer de quelques poubelles supplémentaires.

Neuf autres centrales, dont Superphenix, devraient être déconstruites d'ici à 2025. L'expérience acquise (!) à Brennilis, nous donne un avant-goût du déroulement de ces futurs chantiers.

-- Robert L.E. Billon, Août 2010

Les coûts du démantèlement ont-ils été sous-estimés ?

Le coût global du nucléaire reste encore obscur, alors que plane le risque d'un accident majeur dont les conséqueces seraient à la charge des contribuables. Mais la principale inconnue reste le stockage des déchets et le démantèlement des installations. En France, la Cour des comptes estimait en 2003 que le montant minimum de la déconstruction des cinquante-huit réacteurs nucléaires serait de trente-neuf milliards d'euros. De son côté le Royaume Uni prévoit, pour démanteler ses quinze réacteurs, de monbiliser... 103 milliards d'euros.

-- Tristan Coloma, Le Monde Diplmomatique, octobre 2011

COLOMA/21069

Comment on démonte une centrale ? Où vont les déchets ? Combien ça coûte ? Qui va payer ?

demantel.html

        
File: nuclear.html - Robert L.E. Billon, 2009-08-08 - Last update: 2011-11-04