Vogue mon beau navire !

Les débuts de l'aventure

La marine française dispose d'un splendide navire, le porte-avions Charles de Gaulle, dont elle est particulièrement fère. Et reconnaissons qu'il y de quoi être fier, comme nous allons le montrer.

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C'est en 1986 que commence l'invraisemblable saga du Richelieu, renommé par la suite Charles de Gaulle, laquelle se poursuit depuis maintenant 24 ans. Commandé en 1987, il fut finalement considéré comme terminé en mai 1994. Le porte-avions est long de 261 mètres, large de 65 mètres au maître-bau et sa masse est de 42.000 tonnes. Il est alimenté en énergie par deux réacteurs nucléaires de 150 mégawatts chacun et produisant ensemble, en plus de la vapeur pour les turbines des propulseurs, 16 mégawatts d'électricité (de quoi alimenter une ville de 20 000 habitants). Il est ainsi théoriquement possible de propulser l’ensemble à 27 noeuds en emportant 40 aéronefs et jusqu'à 1900 personnes à bord.

Les épisodes ubuesques furent légion. Permettez-moi d'en citer un parmi les plus hilarants. Le 7 novembre 1994, en pleine période de cohabitation, François Mitterrand, Jacques Chirac, Édouard Balladur et François Léotard se précipitent à Brest pour inaugurer... une coque vide, un simple assemblage de plaques métalliques . Mais l'honneur est sauf, selon des témoins crédibles, cette coque flottait. Ce fut l'occasion de pousser moult cocoricos. On avait enfin, ou plutôt, on allait avoir notre porte-avions national, il restait à l'équiper de l'avion qui va bien, lesquel, mais oui, était déjà en projet. En 1999, soit cinq ans plus tard, on s'aperçut avec horreur et stupéfaction que sa piste d'envol était trop courte pour les avions qui devaient l'équiper. Quelques mois de chantier et le budget fut rallongé ainsi que ladite piste. De quatre mètres en ce qui concerne la piste. Nous ne parlerons que pour mémoire des gags tels que les couchettes trop petites pour un humain de taille normale et les vitres du pont supérieur si foncées qu'on ne pouvait voir le quai. Il fallut aussi accroître le blindage de confinement des réacteurs nucléaires, les personnels courant le risque de recevoir une exposition aux rayonnements supérieure aux limites légales. Pourtant notre brave marine ainsi que le contribuable de base ne se doutaient point à ce moment-là qu'ils n'étaient pas au bout de leurs peines car les avaries se succédèrent à un rythme soutenu. D'autant plus qu'au cours de ces modification et ajouts, le navire avait subit une prise de poids d'environ 500 tonnes (Eh oui ! Le manque d'exercice sans doute) ce qui entraînait une sollicitation plus importante du système de propulsion afin de pouvoir atteindre la vitesse minimale permettant le décollage des avions.

Une longue suite d'évènements fâcheux

L'année suivante, en novembre 2000, alors que le porte-avions effectuait sa première traversée de l'Atlantique, l'une des deux hélices se brisa. En fait, l'hélice ne s'est pas brisée entièrement mais seulement un morceau de l'extrémité de l'une des quatre pales s'est détaché. Un morceau d'environ 30-35 cm par 15-20 cm, créant un balourd sur la ligne d'arbre, donc des vibrations importantes. Par mesure de précaution ou bien pour des raisons de compatibilité il fallut changer les deux. Les hélices de porte avion c'est un peu comme les chaussures, ça va par paire. Et de plus, ça ne se trouve pas disponible courament chez l'épicier au coin de la rue, surtout un dimanche après-midi. Fort heureusement, comme les vieux paquebots Foch et Clémenceau étaient retirés du service, on pensa à récupérer leurs hélices, juste avant qu'elles ne partent à la ferraille. Bien sûr elles n'étaient pas prévues pour, dites-vous, ou bien à défaut de le dire vous le pensez, mais... tout ce qui est en dessous de la ligne de flottaison ne se voit pas lors de la parade. La France ( la France d'en haut) s'enorgueillissait alors d'être la seconde nation au monde à être pourvue d'un porte-avions nucléaire (pour coût estimé de 20 milliards de Francs). Nous avions en fait le porte-avions le plus lent du monde se traînant avec les hélices ancestrales de nos vieux porte-avions réformés.

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A partir de Juillet 2007, ce superbe navire entre en révision, conformément à ce qui est prescrit dans son carnet d'entretien. Il en ressort 18 mois plus tard après une révision complète au cours de laquelle on remplace les deux hélices d'occasion par deux hélices neuves, sur mesure, fabriquées aux Etats-Unis d'Amérique par Rolls-Royce et livrées à Toulon, en février 2005. Chacune d'elles a une masse de vingt tonnes. Elles sont réalisées dans un alliage de cuivre, d'acier et un peu de manganèse et de nickel. On pourrait s'étonner de l'utilisation d'hélices made in USA, mais c'est aussi le cas pour les catapultes, les brins d'arrêt, les ascenseurs pour avions, les bombes GBU, les appareils Hawkeye ainsi que la formation des pilotes des avions embarqués. Une autre paire d'hélices, gardée en réserve, a été fabriquée par la Fonderie Atlantic Industrie, à Nantes. Entreprise qui avait fourni l'hélice défaillante. Voilà le Charles De Gaulle fin prêt à affronter la haute mer et porter prestement des avions sur les fronts de guerre où la demande est pressante.

Le 13 mars 2009 un communiqué officiel nous apprend que le Charles De Gaulle est à nouveau contraint de cesser provisoirement toute activité opérationnelle, une usure anormale de pièces mécaniques majeures du système de propulsion (peut-être la boite de vitesses ?) vient d'être détectée. Selon le ministre concerné, quatre à six mois de chantier sont à prévoir.

En octobre 2010 nous apprenons par la presse que le porte-avions, alors au large de Toulon, a dû rentrer à quai pour corriger un défaut d’isolement électrique au niveau du circuit de propulsion arrière. Ce problème intervient à 24 heures du départ pour un déploiement de quatre mois dans l’océan Indien pour une mission de lutte contre la piraterie et le terrorisme. Selon la marine, les investigations ont mis en évidence un dysfonctionnement sur une soupape de sécurité. Or pour changer cette soupape, il est nécessaire de procéder à un arrêt de l’ensemble propulseur arrière.

Quand le Charles De Gaulle n'est pas en réparation, il est en révision et inversement et réciproquement. Pendant ce temps et en attendant la construction d'un second porte-avions, de type à motorisation thermique, pour lequel il reste à trouver le budget, la France n'a plus de base flottante. Les pilotes de l'aéronavale, emportant avec eux huit Rafale (1) et deux Hawkeye devront s'entraîner sur un porte-avions etats-unien, l'USS Roosevelt, navigant au large de Norfolk. Les crises internationales sont priées d'attendre et l'ennemi de patienter. Heureusement, quand on n'a pas les moyens de faire peur, on peut encore faire rire.

En guise de conclusion... provisoire

On voit bien le point faible de la méthode. Il consiste à vouloir fabriquer à l'unité les porte-avions nucléaires. Seule une fabrication en grande série serait satisfaisante. Consolons-nous cependant en citant ces deux proverbes Shadock :

"Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir... En d'autres termes, plus ça rate et plus on a de chances que ça marche."

"Il vaut mieux pomper d'arrache pied même s'il ne se passe rien que de risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas."

L'aventure continue...

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PS: A défaut de photos personnelles j'ai agrémenté cette page d'images bricolées, lesquelles n'ont d'autre but que l'illustration et ne sont pas garanties 100% conformes à la réalité.

-- rleb, mars 2009 et octobre 2010

(1) Le Rafale, une autre épopée presque aussi hilarante que celle du Charles De Gaulle.

    

File: pacdg.html, 2009-03-23 - Robert L.E. Billon - Last update: 2013-10-27