Hégémonie

Hégémonie n.f. (gr. hêgemonia). Suprématie, pouvoir prépondérant, dominateur, d'un Etat, d'un groupe social, sur d'autres.

Impérialisme n.m. Domination militaire, économique, culturelle, etc... d'un Etat ou d'un groupe d'Etats sur un autre Etat ou groupe d'Etats.

Pour les cercles de pouvoir américains (1), siéger au faîte du monde depuis plus d'un demi-siècle semble naturel. L'hégémonie, comme l'air qu'on respire, est devenue une manière d'être, une façon de vivre, un état d'esprit. Les critiques institutionnels "réalistes" sont certes plus avisés que ceux qu'il visent. Mais ils ne disposent pas d'un cadre conceptuel dans lequel les relations internationales seraient fondées sur autre chose que la force, la confrontation ou la prédominance stratégique.

-- Philip S. Golub, professeur associé à l'Institut d'études européennes de l'université Paris-VIII, Le Monde Diplomatique, Octobre 2007.

(1) lire : états-uniens

Une ignominie est d'autant plus crédible qu'elle est dénoncée par ceux-là mêmes qui la pratiquent. Dans les années 30 du siècle dernier, le major-général Smedley Butler, du corps américain des Marines, écrivait déjà :

"La guerre, tout comme les autres types de rapine, rapporte de gros dividendes à un tout petit nombre d'individus. le coût des opérations est toujours supporté par le peuple qui n'en profite pas".

"J'ai passé trente-trois ans et quatre mois de service actif comme membre de la force militaire la plus performante de notre pays, le corps des Marines. J'ai occupé tous les grades d'officiers depuis second lieutenant jusqu'à major-général. Et au cours de cette période, j'ai passé le plus clair de mon temps à jouer au Monsieur Muscles de première classe pour la Grosse Galette, pour Wall Street et pour les banquiers. En bref, je faisais du racket au profit du capitalisme. En 1914, j'ai donc contribué à assurer au Mexique, et tout spécialement à Tampico, la sécurité des intérêts pétroliers américains. J'ai contribué à faire de Haïti et de Cuba des endroits propices à assurer les rentrées de la National City Bank. Entre 1909 et 1912, j'ai contribué à assainir le Nicaragua pour le compte de la société internationale de banque des frères Brown. En 1916, j'ai favorisé l'éclosion des intérêts sucriers américains en république Dominicaine. En 1903, j'ai contribué à préparer le terrain au Honduras pour les compagnies fruitières américaines. En 1927, en Chine, j'ai veillé à ce que la Standard Oil (plus tard Esso, puis Exxon) puisse poursuivre ses activités sans le moindre dommage".

Q - Quelles sont de nos jours les principales caractéristiques de la stratégie militaire de l'impérialisme américain ?

R - Telles sont de nos jours les principales caractéristiques de la stratégie militaire de l'impérialisme américain (cf ci-dessus).

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Vers la fin des années 60 du siècle dernier, aiguillonnés par les premiers balbutiements de la technologie spatiale soviétique et aidés par le savoir-faire des spécialistes allemands des fusées V2 de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis d'Amérique décident d'envoyer des humains sur la lune.

Le 20 juillet 1969, à 21h17 (heure française), le module lunaire Eagle de la mission Apollo XI se pose sur la Lune. L'astronaute Neil Armstrong annonce : "Houston, ici la base de la Tranquillité. L'Aigle a atterri". Notez bien qu'il s'agit d'un aigle et non d'une colombe.

On peut saluer l'exploit, surtout si l'on songe à ce que cette opération de prestige a coûté de misères et de privations au contribuable de base. Tout cela au détriment des missions automatisées, de plus longue durée, bien plus rentables sur le plan scientifique. Et que croyez-vous que firent Armstrong et Aldrin, sitôt la semelle de leurs bottes posée dans la poussière lunaire ? Il plantèrent immédiatement un drapeau. Signe incontestable de conquête et d'établissement d'une domination. Prise de possession symbolique de la banlieue terrestre, prélude à celle du système solaire. C'est ce qu'on appelle le marquage du territoire, tout comme le chien marque son territoire en urinant contre le réverbère.

Cette pratique et une constante chez toutes les nations en voie de devenir et il semble bien que le ridicule n'ait encore tué personne. La marine française est bien allée planter un drapeau à Cliperton, un bout de rocher qui dépasse à peine des flots dans les mers australes. Plus récemment la marine russe est allée planter un drapeau au fond de l'Océan Arctique. Chacun plante ce qu'il peut là où il peut, selon ses moyens. La comparaison avec le chien n'est jamais démentie, probable réminiscence d'un instinct animal primitif chez l'homo sapiens.

-- rleb, Octobre 2007

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Il ne fait aucun doute que lorsque prendra fin la lamentable aventure militaire en Iraq, les fiers étendards devront être remisés dans la naphtaline et rapatriés avec les derniers cercueils. Il semble que c'est ainsi que le voyait déjà l'artiste Mitch Epstein en 2000.

Citations

Les Etats-Unis d'Amérique sont le seul pays à être passé directement de la barbarie à la décadence, sans avoir connu la civilisation.
-- Albert Einstein

Ce pays est le principal facteur d'instabilité de la démocratie dans le monde, à cause de sa vieille manie de provoquer des coups d'Etat et d'établir des dictatures militaires. Ce pays est une menace pour ses voisins, qu'il envahit régulièrement, depuis toujours. Ce pays produit, possède et vend la plupart des armes chimiques et bactériologiques. Ce pays abrite le plus grand réseau mondial de drogue, et ses banques blanchissent des milliards de narcodollars. L'histoire nationale de ce pays n'est qu'une suite de nettoyages ethniques, contre les aborigènes tout d'abord, contre les Noirs ensuite ; et ce pays a été, récemment, le principal responsable du massacre ethnique perpétré contre deux cent mille Guatémaltèques, surtout des indigènes mayas. [...]
-- trouvé sur le web (www.lousonna.ch)

Le 30 octobre 2009, le ministre des affaires étrangères (de Colombie) Jaime Bermúdez et l'ambassadeur américain (états-unien) William Brownfield signent un nouvel accord concocté en secret qui octroie aux États-Unis, pour une période de dix ans renouvelable, sept bases militaires [...]
Avant même l'annonce officielle de l'accord, le président vénézuélien Hugo Chavez avertissait, le 10 août 2009, lors du sommet de l'Union des nations sud-américaines (Unasur), à Quito : "Des vents de guerre commencent à souffler en Amérique du Sud." [...]
Pendant ce temps les provocations se multiplient - survol illégal du territoire vénézuélien par un drone venu de Colombie (20 décembre) et par deux chasseurs américains (17 mai et 17 janvier) [...]
-- Maurice Lemoine, Le Monde Diplomatique, février 2010.

Les objectifs américains ont toujours été explicites et constants depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1948, le grand spécialiste de géopolitique du épartement d'Etat, George Kennan, écrivait : "Nous possédons 50% de la richesse mondiale, mais ne comptons que 6,3% de sa population. Dans un telle situation, notre véritable tâche dans la période qui s'ouvre sera de mettre au point un schéma de relations internationales qui nous permette de maintenir cette position de disparité. Il nous faudra pour cela jeter par-dessus bord toute idée de sentimentalité ? il nous faut cesser de parler de droits de l'homme, d'élévation du niveau de vie et de démocratisation". Le président Bush II s'inscrit visiblement dans ce cadre, explicitement formulé par Condoleezza Rice, sa conseillère pour les Affaires étrangères : "Le reste du monde trouvera avantage à ce que les Etats-Unis défendent leurs propres intérêts, car les valeurs américaines sont universelles".
-- Copenhagen Business School (extrait), traduction : Denis GRIESMAR

[...] la perspective des conflits, puis leur déroulement, engendrent des profits non négligeables, qui permettent à la croissance des pays civilisés de ne pas s'effondrer. Et puis, si on n'aime pas ça, il suffit d'un peu de patience : comme tout, la guerre a une fin. Il faut bien faire une pause, afin de permettre la reconstruction, car tous les entrepreneurs ne peuvent pas être marchands d'armes. Beaucoup sont dans le batiment...
-- Gérard Biard, Charlie Hebdo Mercredi 9 Août 2006

[...] plus d'un an que les Etats-Unis et leurs alliés de l'OTAN n'ont pas déclenché une bonne guerre. L'industrie de la mort commence à s'énerver. Les immenses budgets militaires ont besoin d'être justifiés, et l'industrie de l'armement n'a pas l'occasion d'exhiber ses nouveaux modèles. Contre qui allons-nous lancer la prochaine mission humanitaire ? Qui sera le prochain ennemi ? Qui aura le mauvais rôle dans le prochain film ? Qui sera le Satan de l'enfer à venir ? [...]
-- trouvé sur le web (source non vérifiée)

Monsieur Bush [...] vous voulez inculquer votre démocratie à des gens qui ne vous ont rien demandé, vous agissez pour déstabiliser des régimes démocratiques progressistes et menez au loin des guerres impérialistes. Plutôt que de consolider les digues, une nécessité qui ne date pas d'hier, vous avez dépensé des millions de dollars en Iraq. Aujourd'hui quel désolant spectacle vous offrez au monde. Voilà que le pays le plus puissant et le plus développé, ayant le président le plus intelligent, est incapable de faire face au conséquences d'un désastre météorologique agravé par suite de son impéritie. Quatre jours après la catastrophe les habitants de New Orleans attendent encore sur leur toit qu'on vienne les secourir, entourés d'une étendue d'eau nausabonde ou se mélangent les égouts et les hydrocarbures et ou surnagent les cadavres et les cercueils arrachés aux cimetières par l'ouragan. Bien sûr il s'agit de pauvres, de noirs, voire même de noirs pauvres. Cela explique sans doute le mépris et le dédain dont vous avez fait preuve envers cette population, avant la catastrophe pour assurer sa sécurité et après pour la secourir.
-- rleb , septembre 2005 (Pardonnez-moi de me citer moi-même)

Les États-Unis ont survécu à l'aventure vietnamienne; ils peuvent sortir pratiquement indemnes du fiasco irakien. Momentanément déconcerté, l'empire continuera sa route, entre bipartisme, pressions des milieux d'affaires et bénédictions évangéliques. Cette aptitude à s'offrir des gaffes coûteuses - non pas pour les élites mais pour les classes populaires - caractérise d'ailleurs les états impériaux parvenus à maturité. L'empire américain finira certes par s'effondrer, mais les prédictions de déclin précipité sont exagérées. Sans rival militaire à leur mesure, les Etats-Unis demeureront quelque temps encore, l'unique superpuissance du monde.
[...]
Au lieu d'établir des colonies territoriales classiques, les Etats-Unis assurent leur hégémonie en installant des bases militaires, navales et aériennes. Il en existe dans plus de cent pays, les plus récentes en Bulgarie, en Pologne, en Roumanie, au Turkménistan, au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Ethiopie et au Kénia. Seize agences de renseignement, dont les bureaux sont disséminés de par le monde, constituent l'ouie et la vue de cet empire sans frontières.
[...]
Washington possède douze porte-avions, dont trois seulement ne sont pas nucléaires. Ces bâtiments transportent jusqu'à quatre-vingts avions ou hélicoptères ainsique de forts contingents de soldats, de marins et de pilotes. Autour de ces bâtiments titanesques gravitent des croiseurs, des destroyers, des sous-marins souvent auto-guidés et équipés de missiles. La marine américaine veille dans des bases éparpillées à la surface du globe et patrouille les principales routes maritimes. Elle est l'épine dorsale, le flux sanguin d'un empire d'un nouveau genre.
-- Arno J. Mayer, professeur émérite d'histoire à l'université de Princeton, dans Le Monde Diplomatique de septembre 2008.

Sur les vingt-cinq entreprises qui dominent le marché du logiciel et d'Internet en 2005, dix-neuf étaient américaines (*). Quand il s'agit d'accaparer les armes de la cyberguerre, la première puissance mondiale ne lésine pas sur les moyens : plus de la moitié des satellites en activité portent les couleurs des Etats-Unis. Mais les compagnies américaines (*) ne se contentent pas de régir l'offre : elles encadrent aussi le marché de la demande. Des poids lourds comme Wal-Mart ou General Electric sont d'énormes consommateurs de systèmes et d'applications internet : leurs besoins sont des ordres et déterminent les standards qui s'appliqueront ensuite au reste du monde.
(*) Lire états-uniennes
-- Dan Schiller, professeur en communication à l'université Urbana-Champaign (Illinois), dans Le Monde Diplomatique de décembre 2009.

En ce mois de Novembre 2008 les états-uniens élisent un président. Pendant des semaines, mais le phénomène a atteint son paroxysme les derniers jours qui ont précédé le scrutin, les élections au niveau de l'Empire ont envahi les médias et les cerveaux. Comme au bon vieux temps de l'empire Romain où, au moment des élections, les provinciaux de Gaule ou de Septimanie étaient tournés vers Rome et appréhendaient de savoir de quel nouvel empereur émaneraient les ordres qui feraient leur pluie et leur beau temps. Les empires meurent puis d'autres naissent, de nos jours pour les provinces d'Europe, c'est vers Washington que les esprits se tournent. C'est de là que viendront les directives indiquant les bons emplacements pour les bases de missiles, les radars à longue portée, les bases navales, l'organisation du commerce et de la finance, ou bien comment continuer le pillage des ressource des pays qu'on a déjà affamés. C'est de là aussi que l'on nous fera savoir qui sont les puissances du mal et à quels peuples les guerres doivent être faites.
-- rleb , novembre 2008 (bis repetita)

Pourquoi tant de haine ?

Non contents d'avoir fait ce qu'ils ont fait de la Colombie et du Mexique, les États-Unis ont cultivé pendant des années des réseaux d'échange de renseignements au proche orient avec les dictateurs en place : Hosni Moubarak en Égypte, Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie, Muammar Kadhafi en Libye et Bachar El Assad en Syrie. Ceux-ci furent ou seront ensuite balayés par les printemps arabes. Les opprimés sont loin d'avoir oublié cette alliance contre nature.
La chute des dictateurs a détruit les canaux d'échange de renseignement. Ainsi les États-Unis sont maintenant à la merci d'attentats sur leur sol de la part d'extrémistes. Et ils en sont encore à se demander "Pourquoi tant de haine  ?". Est-ce bien sérieux, sont-ils stupides ou bornés, comme s'ils n'avaient pas suscité eux-mêmes le danger qui les menace.

Sous le président Bush les États-Unis ont commencé à faire usage d'une arme nouvelle, le drone, petit avion d'attaque qui se pilote à distance, comme dans un jeu video. Avec cette arme ils assassinent depuis leur propre territoire des cibles désignées par la CIA, sans jugement, sans défense ni condamnation, en contradiction flagrante avec les droits de l'homme. Depuis l'avènement du président Obama l'usage des drones s'est intensifié. Chaque cible atteinte (ou ratée) faisant aussi une vingtaine de "victimes collatérales" civiles, y compris femmes et enfants. Et on s'étonne de la fureur des populations.
Quant aux présumés terroristes qui sont capturés, la loi États-Unienne interdisant certaines pratiques, il sont séquestrés, torturés et maintenus indéfiniment en détention à Guantanamo, une base militaire située en dehors de leur territoire. Sinistre mascarade, ou "gateau sur la cerise", le président Obama s'est vu attribuer le prix Nobel de la Paix. Après de tels agissements, contraires à toute les règles internationales, ils en sont encore à se demander "Mais pourquoi tant de haine ?"
-- rleb, avril 2013

La monaie témoin de l'histoire

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Le 29 Octobre 1969, le sénateur du Texas Bob Casey soumis à la chambre des représentants un projet concernant la frappe d'une monaie courante de un dollar commémorative honorant, à la fois, Eisenhower et le premier atterrissage sur la lune. Plus d'un an de querelles politiques suivirent avant que ce projet soit finalement adopté dans une forme modifiée. Le Mint (Hotel des monaies) proposa une ébauche dont le revers représentait un aigle dont l'expression effraya le Département d'Etat, craignant que les autres nations ne l'interprètent comme hostile.

Devenu loi le 31 Décembre 1970, le projet spécifiait une pièce de un dollar faite d'un sandwich cuivre-nickel et dont les premiers tirages sont datés de 1971. La finalisation fut confiée au graveur Frank Gasparro. L'aigle était toujours là mais il déposait sur la lune un rameau d'olivier. Timide compromis entre les faucons et les colombes. On distingue bien sur l'image agrandie ci-contre (ou ci-dessus) les cirques lunaires ainsi que, dans le lointain, la Terre au-dessus de la tête de l'aigle. A l'avers, un buste d'Eisenhower et l'inévitable inscription In god we trust, laquelle semble devoir justifier les nombreuses croisades de ce pays contre les "puissances du mal".

Un numismate éclairé peut lire l'histoire dans une pièce de monaie, reflet des tendances guerrières ou pacifiques d'un Etat à un moment donné ainsi que des luttes d'inflence permanentes entre faucons et colombes.

Bibliographie

Michael Parenti, L'horreur impériale. Les Etats-Unis et l'hégémonie mondiale, Editions Aden, Bruxelles, 2004, 256 p. (traduit de l'anglais US par Serge Deruette), 20 euros.

Pierre Conesa, La fabrication de l'ennemi (ou comment tuer avec sa conscience pour soi), Editions Robert Laffont, Paris, 2011, ISBN: 978-2-221-12678-3

Le Monde diplomatique, novembre 2004, pp. 17 et 35

Le Monde diplomatique, septembre 2008, pp. 14 et 15

Le Monde diplomatique, février 2010, p.17

Courrier international, n°1173, 25 avril au 1er mai 2013, pp. 14 à 17

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Edward Kienholz - "The Portable War Memorial" (1968)
    
File:hegemonie.html, 2007-10-20 - Robert L.E. Billon - Last update: 2013-04-29