Eiffel and Co

Vestiges et patrimoine

Cet inesthétique pylône fut construit pour l'exposition universelle de 1889. Il est l'oeuvre de l'entreprise Eiffel fondée par Alexandre Gustave Bonnickhausen, dit Eiffel (Dijon 1832 - Paris 1923) et fut appelé par la suite "tour Eiffel". D'une hauteur de 300 mètres, toute la structure est constituée de pièces de fer assemblées sur place par rivetage à chaud. Elle constitue une démonstration de ce qu'était le savoir faire de l'époque en matière de construction métallique. A ce titre on peut considérer qu'elle appartient maintenant à notre patrimoine historique industriel.(1)

eiffel1.jpg

Elle suscita, à l'époque, des commentaires peu favorables de la part de quelques intellectuels : "Un suppositoire solitaire" (J.K. Huysmans), "Un squelette disgracieux" (Guy de Maupassant). Quant à Paul Verlaine, il faisait parait-il, un détour pour ne pas la voir. Il est évident qu'une fois passée l'exposition elle était vouée à être démontée mais il semble que le budget nécessaire pour ce démontage ne fut pas dégagé et la tour était encore debout plusieurs années après l'exposition.

Entre temps Eugène Ducretet (Paris 1844 - id 1915), constructeur d'équipements scientifiques, avait fait en Novembre 1898 des expériences de transmission radiotélégraphique en Morse entre la tour et le Panthéon, soit une distance de 4 km. En 1899 le capitaine Gustave Ferrié (Saint Michel de Maurienne 1868 - Paris 1932), officier du génie et qui devait terminer par la suite sa brillante carrière comme général, fut chargé par le ministre de la guerre, M. de Freycinet, d'étudier la possibilité d'applications militaires de la radiotélégraphie. Pour cela il installa ses équipements dans un baraquement au pied de la tour et se servit d'icelle pour y accrocher des antennes. C'est à l'emplacement de ce barraquement que se trouve maintenant le monument du général Ferrié.

eiffel.jpg

En 1903, Gustave Eiffel, qui cherchait toujours une échappatoire au démontage, proposa de mettre la tour à la disposition du génie militaire. Cette offre fut acceptée le 21 Janvier 1904. De Janvier 1906 à Août 1909 de nombreux pourparlers aboutirent à un accord entre l'autorité militaire et la ville de Paris. Finalement c'est en partie grâce à aux travaux de Gustave Ferrié et à la radiotélégraphie que M. Eiffel échappa à la corvée de démolition et son oeuvre resta finalement debout au grand désespoir de ses détracteurs. Depuis, la tour et la TSF, puis la télévision, furent quasiment indisociables.

La puissance du marketing et le battage médiatique ont même réussi par la suite à en faire le symbole de Paris à l'échelle mondiale. Après le soi-disant coq gaulois, le pylône parisien. La force de l'habitude aidant, il semble bien que de nos jours elle ne gène plus personne. A moins qu'un jour on ne la fasse transporter à Louqsor, en remplacement de l'obélisque que Napoléon rapporta dans ses bagages, on peut penser qu'elle restera encore de longues années à la place où elle se trouve présentement.

radiofil_00.png

Le destin de la tour Eiffel et celui de la TSF, appelée par la suite "radio", ont toujours été tellement liés que l'association Radiofil, qui s'est donnée pour vocation la sauvegarde de notre patrimoine TSF et reproduction du son, a choisi de la faire figurer dans son logo.

(Admirez au passage la subtilité de la démarche qui me permet d'introduire un lien vers Radiofil dans une page où il n'était absolument pas prévu. Cependant comme il est ici question de patrimoine, on peut dire qu'il s'y insère de façon naturelle.)

Les choix de nos gouvernements sont toujours aussi surprenants, étonnants, déroutants, inattendus et rarement orientés vers les économies. Ainsi, Il aurait probablement coûté moins cher de démonter la tour Eiffel plutôt que la centrale électrique Superphénix de Creys Malville, laquelle, après avoir coûté des sommes astronomiques pour sa construction, commençait tout juste à produire. Cependant comme le démontage de celle-ci a à peine commencé, il est peut-être encore temps de tirer la leçon du passé et de la transformer en monument historique. Un effort de marketing et un bon battage médiatique devraient parvenir à y attirer la foule des touristes japonais.

-- Robert L.E.Billon, Mars 2003

(1) Malgré son aspect incongru, cet édifice représente, pour l'époque, un exploit technique remarquable. La structure nue en fer représente, à elle seule, une masse de 7500 tonnes. En fait, elle est d'une légèreté extrême, ainsi une maquette au 1/1000, soit une hauteur de 30 cm, aurait une masse de seulement 7,5 grammes. Ce "monument" est peint tous les sept ans et nécessite 52 tonnes de peinture anti-corrosion. Les oscillations du sommet, sous l'influence d'un vent de 140 km/h, atteignent environ 12 cm. Ce même sommet, sous l'influence de la dilatation due à la chaleur du rayonnement solaire, décrit une courbe d'allure elliptique dont le grand axe mesure environ 22 cm. Les lois de la physique font que, contrairement aux fleurs de tournesol, la tour fuit le soleil. Elle s'appuie sur des fondations qui descendent à 8 m de profondeur côté Ecole Militaire et à 15 m côté Seine.




eiffel2.jpg ADDENDA

Monsieur "Eiffel" ne réalisa heureusement pas que des gadjets. Ainsi le viaduc de Garabit, construit de 1882 à 1884. Situé à 14 km de St Flour en direction de Mende, il permet à la ligne de chemin de fer de Clermont-Ferrand à Béziers de franchir la vallée de la Truyère. Hauteur 124 m, longueur totale 564 m, empattement de l'arche 165 m.

Image d'après carte postale de l'époque,
coll. lib. Pignide à St Chély d'Apcher, Lozère.

    
File: eiffel.html, 2003-03-12 - Robert L.E. Billon - Last update: 2010-11-26