CULTIVEZ-VOUS !

La culture est la nourriture de l'esprit

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La culture est de nos jours la plus tangible des vertus puisque, semblable en cela à la Justice, elle a son ministre et que, telle la Tolérance, elle possède des maisons. Physique, elle sert à gonfler les muscles des culturistes, en principe peu cultivés. Générale, elle développe le cerveau d'intellectuels généralement peu musclés.

La culture est partout, dans les champs et dans les villes. Tout le monde cultive quelque chose, son apparence, ses contradictions, ses tendances, sa voix, sa mémoire, ses relations, le paradoxe ou ses connaissances, son jardin ou des microbes.

-- Claude Gagnière, Tout sur tout, (C) France Loisirs, 1986


L'art et le cochon

Comme le montre l'image ci-dessus, la culture n'est pas toujours d'un accès facile ni évident. Et pourtant... vous la rencontrez parfois là où vous ne l'attendiez pas. C'est ainsi que l'on a pu lire dans la presse :

Cet été, la musique en Bretagne sera placée sous le signe du cochon : la marque "Cochon de Bretagne" a en effet décidé de sponsoriser les grands festivals, Celtica, les Terre Neuvas, les Vieilles Charrues, Interceltique et le festival du Bout du Monde. En allant acheter de la cochonnaille dans les grandes surfaces de la région, les mélomanes pourront gagner des entrées gratuites. Puis, après avoir pataugé dans les algues vertes et s'être rempli les narines d'effluves de lisier, ils pourront s'en mettre plein les oreilles : le lard au service de l'art, c'est merveilleux... On espère que les écolos ne feront pas leur tête de cochon !

-- Le Canard Enchaîné, Mercredi 17 Mai 2006

Culture et modestie

Moi qui suis cultivé, je ne trouve pas de mal en moi, et spontanément en toutes choses je me porte à ce qui me semble le plus beau. Si tous étaient aussi cultivés que moi, tous seraient comme moi dans l'heureuse impossibilité de mal faire.

-- Ernest Renan, L'avenir de l'intelligence, Oeuvres complètes, édition de 1947
Cité dans le Dictionnaire de la bêtise, Ed. Robert Laffont, ISBN: 2-221-08784-4

Culture et démocratie

Je ne vais pas acheter une oeuvre d'art après un référendum, sinon je me retrouverai avec des nains de jardin ! La démocratie ne peut s'exercer pleinement que dans un peuple éclairé, qui a les yeux ouverts, de la culture... Il faut que le peuple ait les moyens théoriques et intellectuels de pratiquer la démocratie.

-- Edouard Chaulet, maire de Barjac (Gard), dans L'Hebdo-BOURSE PLUS du 19 juin 2009

La culture et les philosophes

Faites comme Démétrius qui disait des gens sans culture : "Qu'ils parlent ou qu'ils pètent, c'est la même chose".

-- Michel Onfray, Cynismes, 1990

Confondre les industries de la culture et la culture, c'est prendre la partie pour le tout. C'est mettre hors jeu les neuf dixièmes de l'humanité.

-- Jean-Pierre Warnier, La mondialisation de la culture, 1999

La culture, c'est comme la confiture, moins on en a plus on l'étale.

-- Anonyme, cité par Pierre Ripert dans son Dictionnaire des citations de la langue française.

Culture de classe

En France, quand on prononce le mot "culture", chacun comprend "art" et plus précisément "art contemporain". Le mot Culture, avec son singulier et sa majuscule, suscite une religiosité appuyée sur ce nouveau sacré, l’art, essence supérieure incarnée par quelques individus eux-mêmes touchés par une grâce — les "vrais" artistes. La population, elle, est invitée à contempler le mystère.
Entamée dès les années 1960 sous l’égide du ministère des affaires culturelles, la réduction de la culture à l’art représente une catastrophe intellectuelle pour tout homme ou toute femme de progrès. Si "culture" ne veut plus dire qu’ "art", alors ni l’action syndicale, ni les luttes des minorités, ni le féminisme, ni l’histoire, ni les métiers, ni la paysannerie, ni l’explication économique, etc., ne font plus partie de la culture. Entre cette dernière et la politique s’instaure un rapport d’exclusion.
[...]
Il y a désormais en France une culture certifiée, une esthétique certifiée conforme, celle des scènes nationales de théâtre, par exemple, aux mises en scène interchangeables. Elle vise paradoxalement à manifester en tous lieux la liberté d'expression, pour peu que celle-ci ne désigne aucun rapport social réel, n'entraîne aucune conséquence sociale fâcheuse et soit littéralement sans objet. Provocations adolescentes, esthétique ludico-décadente, citations ironiques... On s'y ennuie ferme, mais on y applaudit fort ! En même temps qu'il dépolitise, l'entretien du culte de la "culture" contribue à domestiquer les classes moyennes cultivées en réaffirmant la frontière qui les sépare des classes populaires.

-- Frank Lepage, Le Monde Diplomatique, Mai 2009

L'ART DE PARLER POUR BIEN DIRE

Le Français et les mots qu'il nous cause

Nous utilisons souvent, dans la conversation, des formes grammaticales sophistiquées, devenues d'un usage courant. Comme la langue française est parfaitement codifiée, nos académiciens se sont penchés sur ces espèces grammaticales, connues aussi sous le nom de figures de rhétorique, et leur ont donné de petits noms bien sympathiques et faciles à retenir. Pour faire savant, ils en ont été quérir les sources dans le grec ancien ou le latin, origines reconnues et indiscutables de notre civilisation. Voici quelques exemples.

ALLITERATION
n.f. (lain ad et, littera lettre) Répétition d'une consonne ou d'un groupe de consonnes, dans des mots qui se suivent, produisant une harmonie suggestive.
Ex. :
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes.
-- Racine
Pourquoi t'entêtes-tu, en t'entêtant tu t'uses et tu te tues, et tu t'attaques à ton teint.
-- (anonyme)

ANACOLUTHE
n.f. (grec anakolouthon, sans liaison). Rupture dans la construction syntaxique d'une phrase.
Ex. : De retour chez lui, sa femme était partie.

ANAPHORE
n.f. (grec anaphora, action d'élever). Reprise d'un mot ou d'un groupe de mots en tête de propositions consécutives, produisant un effet de renforcement.
Ex. : Nous nous battrons dans les rues, nous nous battrons sur les toits, nous nous battrons sur la terre et sur l'eau, ...

ANTIPHRASE
n.f. Manière de s'exprimer qui consiste à dire, par ironie ou par euphémisme, le contraire de ce qu'on pense.
Ex. : Bien visé ! (à quelqu'un qui vient de rater son but).

ANTONOMASE
n.f. (grec antonomasia).
1 - Emploi d'un nom propre pour un nom commun.
Ex. : un Harpagon, pour un avare; un Hitler pour un dictateur.
2 - Désignation d'un individu par un nom commun.
Ex. : le cusain, pour Nicolas de Cusa, (astronome et philosophe, 1401-1464);
le salicouni, pour un descendant d'un nommé Salique.

APHERESE
n.f. (grec aphairesis, enlèvement). Suppression du début d'un mot.
Ex. : bus, pour autobus.

APOCOPE
n.f. (grec apokoptein, retrancher). Suppression de la fin d'un mot.
Ex. : le ciné, pour le cinématographe; le kiné, pour le kinésithérapeute.

APOPHTEGME
n.m. (grec apophthegma, sentence). Parole mémorable attribuée à un personnage célèbre.
Ex.: "Je vous ai compris" (Général de Gaulle, le 4 Juin 1958 à Alger).

CATACHRESE
n.f. (grec katakhrêsis, abus). Utilisation souvent involontaire d'un mot pour un autre.
Ex.: initier pour initialiser.
Emploi d'un autre mot au-delà de son sens strict ou bien s'il n'existe pas de mot spécifique.
Ex. : au pied du mur, une couche logicielle, un bus de données, à cheval sur une chaise

ELLIPSE n.f. (grec ellipsis, manque)
Raccourci dans l'expression de la pensée, omission d'un ou plusieurs éléments de la phrase.
Ex. : Comment vas (tu), à plus (tard), il est plus le même (qu'avant).
C'est dans les petites annonces que l'ellispse s'épanoui le plus largement.
Ex. : H. 45 délicat att. renc. JF 30-40 pr rel. sex. + si aff.

EUPHEMISME n.m. (grec euphemismos, emploi d'un mot favorable). Adoucissement d'une expression.
Ex.: Monsieur Dupont s'est absenté, pour, on ne l'a pas vu aujourd'hui.

HYPALLAGE
n.f. (grec hupallagê). Qualification d'un nom d'une phrase par un adjectif convenant à d'autres noms dans cette phrase.
Ex. : "Ce marchand accoudé sur son comptoir avide" [Victor Hugo]).
Par extension et dans la pratique, même si ces noms ne sont pas explicités.
Ex. : la police criminelle (la police en charge des affaires criminelles).

HYPERBATE
n.f. (grec huperbaton, inversion). Modification de l'ordre habituel des mots d'une Phrase.
Ex. : Là coule une source limpide.

HYPERBOLE
n.f. (grec huperbolê, excès). Exagération destinée à donner plus de poids à une expression et frapper l'imagination de l'auditeur.
Ex. : courrir ventre à terre (sauf s'il s'agit d'un cul de jatte), un génie (pour quelqu'un de très intelligent).

LITOTE
n.f. (grec litotês, simplicité). Expression consistant à dire moins pour signifier plus.
Ex. : je ne suis pas hostile à..., pour dire : je suis plutôt favorable.
Cette pratique est fréquente en anglais où elle est qualifiée de understatement.

METONYMIE
n.f. (grec metónumia, changement de nom)
Mode d'expresion qui consiste à remplacer : l'effet par la cause, le contenu par le contenant, le tout par la partie.
Ex. : il est parti les pieds devant (il est mort), boire une bouteille (le vin contenu dans une bouteille), Paris s'éveille (les habitants de Paris ...).

OXYMORE ou OXYMORON
n.m. (grec oxumôron de oxus, piquant et môros, émoussé)
Rapprochement de deux mots apparemment contradictoires.
Ex. : un silence éloquent

PERIPHRASE
n.f. (grec periphrasis). Emploi de plusieurs mots là où un seul suffirait, circonlocution.
Ex. : le meilleur d'entre nous (pour désigner le chef, bien sûr), la messagère du printemps (l'hirondelle).

PLEONASME
n.m. (grec pleonasmos, surabondance). Enoncer deux fois la même assertion, répétion de mots synonymes.
Ex. : s'étendre à l'horizontale, acculer le dos au mur, debout droit dans ses bottes.

PRETERITION
n.m. (latin praeteritum, de praeterire, omettre) Figure de rhétorique qui consiste à déclarer ne pas vouloir parler d'une chose alors que c'est justement par ce moyen que l'on va en parler.
Ex. : je ne vous dirai pas la mauvaise foi de la partie adverse, inutile de dire que ...

SYLLEPSE
n.f. (grec sullêpsis, compréhension). Accord selon le sens et non selon la grammaire.
Ex. : la majorité des électeurs sont des cons(ervateurs).

SYNECDOQUE
n.f. (grec sunekdokhê, compréhension simultanée).
Méthode qui consiste à prendre la partie pour le tout, le genre pour l'espèce ou bien, alternativement, la réciproque.
Ex. : une escadre de trente voiles (bateaux), la saison des roses (fleurs), nous avons payé trente euros par tête (personne).

TAUTOLOGIE
n.f. (grec tautos, le même, et logos, discours). Répétition d'une idée en termes différents, redondance.
Ex. : je suis sorti dehors, ne prenez pas l'adjudant pour un imbécile.

ZEUGMA
n.m. (grec zeûgma, lien, union).
Coordination, dans la phrase, d'éléments qui ne sont pas d'une même catégorie syntaxique ou sémantique.
Ex. : il était vêtu de probité candide et de lin blanc, il tira de sa guitare des sons mélodieux et de son sac un casse-croûte copieux.

Ainsi, quand quelqu'un vous traite d'anacoluthe, il n'y a pas lieu de vous sentir offensé !
--rleb, mai 2005

Bien sûr si, comme moi, vous n'avez fait ni grec ni latin, ou bien vous l'avez perdu, vous devrez vous contenter de mots plus courants dont la signification est contenue dans l'énoncé.
Exemples :
Pantalon - vêtement qui pend jusqu'au talon
Culotte - couvre seulement le cul
--rleb, avril 2010

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LISEZ LES PHILOSOPHES

Oui, bien sûr, mais à partir du moment où vous les lisez, vous aimeriez peut-être aussi les comprendre ? A moins que vous n'ayez une formation littéraire, ce qui n'est hélas pas mon cas, un petit aide-mémoire n'est pas inutile. En effet, tout comme le plombier ou le maréchal-ferrant, le philosophe a son propre jargon professionnel. Voici un petit recueil de quelques mots plus ou moins "savants" qui vous évitera d'ouvrir votre dictionnaire à chaque paragraphe.

ACMÉ
n.m. ou n.f. (gr. acmè, sommet). Litt. point culminant, apogée.
Ex.: l'acmé de la fête.

APHORISME
n.m. (gr. aphorismos, définition) Sentence où s'opposent la concision d'une expression et la richesse d'une pensée, moins dans le but d'exprimer une vérité que d'inciter à réfléchir.

APOCRYPHE
adj. (gr. apokruphos, tenu secret) d'une authenticité non prouvée, douteux, suspect.
Ex. : un texte apocryphe. - n.m. livre se prétendant d'inspiration divine.

APORIE
n.f. (gr. aporia, difficulté) Philo. Contradiction insoluble par un raisonnement

ATARAXIE
n.f. (gr. ataraxia, absence de troubles). Phil. Quiétude absolue de l'esprit. Principe du bonheur des épicuriens et stoïciens. Nirvana ?

CATHARSIS
n.f. (du gr. ~purification). 1.D'après Aristote "purification" produite chez les spectateurs par une représentation dramatique. 2.Psycho. Décharge émotionnelle libératrice liée à l'extériorisation du souvenir d'évènements traumatisants refoulés.

CONTINGENT
adj. Qui peut se produire ou pas, se manifester par hasard (par opposition à nécessaire).

DOXA
n.f. gloire

DOXOLOGIE
n.f. (du gr. doxa, gloire). 1.Relig. Louange à la Trinité. 2.Did. Enoncé d'une opinion communément admise.

ÉPIPHANIE
n.f. (gr. Epiphaneia, manifestation ou apparition et du verbe faïnò, se manifester, apparaître, être évident. Fête d'origine païenne durant laquelle on célébrait les Épiphanes. Employé aussi pour nommer une manifestation inattendue d'un phénomène ou une apparition inopinée d'un objet.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Épiphanie

ÉPISTÉMÊ
n.f. (gr. ~science). Phil. Configuration du savoir apte à rendre possibles les différentes formes de science relatives à une époque spécifiée. Ensemble des connaissances d'une époque.

EPISTEMOLOGIE
n.f. (gr. epistèmè, science et logos, étude). Branche de la philosophie qui étudie les principes, les méthodes, l'histoire des sciences.

GLOSSOLALIE
n.f. (gr. glossa, langue et lalein, parler). 1.Psychiatr. Utilisation par certains malades d'une langue inventée incompréhensible. 2.Phénomène d'extase avec émission de sons ou de mots, incompréhensibles sans le secours d'un autre sujet atteint d'une affection complémentaire et jouant le rôle d'interprète.

HAPAX
n.m. du (gr. hápax legómenon, dit une seule fois). Mot qui n'est attesté que dans une seule source dans la littérature, http://fr.wikipedia.org/wiki/Hapax
Exemple : Rabelais créa le hapax antistrophe dans le chapitre 14 de Pantagruel, par la suite délaissé au profit de contrepèterie. Peut aussi s'appliquer, par extension à un objet unique.
Exemples :
- le disque de Phaistos, http://fr.wikipedia.org/wiki/Phaistos
- le mécanisme d'Antikythera, http://fr.wikipedia.org/wiki/Machine_d'Anticythère.

PARADIGME
n.m. (gr. pardeigma). 1.Ling. Ensemble des formes d'un mot déclinées ou conjuguées, ce mot lui-même. 2.Ling. Ensemble des unités pouvant être subsituées les unes aux autre dans un contexte spécifié. 3.Log. Modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifique. 4.Phil. Chez Platon, idée type dont particpent les choses. 5.Psych. Procédure méthodologique constituée en modèle de référence. Note : Admirez la redondante POLYSÉMIE du PARADIGME, si vous voulez vous exprimer clairement et être compris, évitez ce mot "valise" dont certains philosophes usent et parfois abusent.

PHILIPPIQUE
n.f. (d'après le discours de Démosthène "Philippiques"). Litt. Discours violent dirigé contre une personne.

POLYSÉMIE
n.f. (gr. poly, nombreux et sèma, signe). Propriété d'un mot d'avoir plusieurs significations.

PRINCEPS
adj. (lat ~premier). 1.Edition princeps : la première de toutes les éditions d'un ouvrage. 2.Observation princeps : première description scientifique d'un phénomène.

VERNACULAIRE
adj. (lat. vernaculus, indigène). 1.Langue vernaculaire : langue propre à une communauté, une nation, une tribu, par opposition à langue véhiculaire : langue d'un état, tel le français ou langue internationale telles l'esperanto ou le basic english. 2.Nom vernaculaire : Nom d'une espèce animale ou végétale dans sa localisation d'origine, par opposition à son nom "savant" utilisé par la communauté scientifique internationale.

LA LANGUE EVOLUE

Lire les philosophes c'est bien mais la convivialité exige aussi que l'on puisse échanger quelques mots avec ses voisins de palier, de quartier, de banlieue, voire au-delà. Un petit lexique n'est pas inutile vu les avancées fulgurantes qu'a connu récemment la langue française, surtout parmi les jeunes générations. Voici un apperçu des termes les plus usités. Si vous persistiez à les ignorer vous auriez vraiment l'air de débarquer d'une autre planète. La plupart des définitions sont suivies d'une traduction en français académique.

Balle (C'est de la)
Exprime l'enthousiasme, quelque chose de bien, de beau, de positif.
Ex. : Cette meuf, c'est de la balle (Je ne suis pas insensible aux charmes de cette demoiselle).

Bouffon
Qui ne s'apparente pas au clan.
Ex. : Nique lui sa race à ce bouffon ! (Rabats lui son caquet à cet individu qui ne s'apparente pas à notre milieu !).

Carotte
Du verbe carotter (extorquer, voler), mais dans une forme invariable.
Ex. : Il m'a carotte un zedou de teuchi, l'bâtard, tu vas voir comment je vais le niquer grave (Le scélérat m'a dérobé douze grammes de concentré de cannabis, il va s'en mordre les doigts).

Chelou
Bizarre, inhabituel. Par extension, qui ne s'apparente pas au clan.
Ex. : La prof d'anglais elle a des veuch tout chelous (Ce n'est pas tous les jours que l'on voit une coupe de cheveux aussi inhabituelle et cocasse que celle de la professeure d'anglais, laquelle ne s'apparente pas à notre milieu).

Comment
Exprime l'intensité. Ex. : Comment je lui ai niqué sa race à ce bouffon ! (Je sors indéniablement vainqueur du combat qui m'a opposé à cet individu qui ne s'apparente pas à notre milieu, ceci dit en toute modestie et avec la sportivité qui s'impose en pareille circonstance).

Foncedé
Se dit d'une personne qui vient de consommer du concentré de cannabis (ou tout autre médication prise sans ordonnance).
Ex. : Je suis foncedé (Mon regard est vitreux, je perds mes mots, un mince filet de bave s'écoule sur mon menton et je ris comme une baleine, sans raison apparente. J'ai payé assez cher pour me mettre dans cet état. Bref, je viens de consommer du concentré de cannabis).

Gun
Arme à feu.
Ex. : Ziva prête moi ton gun, l'aut'bâtard y m'a manqué de respect (Pourrais-tu s'il te plaît me prêter ton arme à feu, afin que je règle son compte à l'importun qui n'a été qu'à demi urbain mon à égard).

Kiff (kiffer)
Apprécier.
Ex. : Comment je kiffe trop son cul (Le sien postérieur ne me laisse pas indifférent et éveille chez moi des pulsions qui me rendent d'humeur jubilatoire).

Mortel
Bien, beau, qui réjouit (invariable).
Ex. : Elles sont trop mortelles tes Nike (Vos chausses vêtiraient avantageusement mes appendices inférieurs, aussi je vous propose de me les transférer sans délai et sans manifester d'objection déplacée).

Mito
Mensonge. Dérivé de mythomane (affabulateur, menteur).
Ex. : On me fait pas des mitos à moi, bouffon ! (Je ne suis pas le naïf à qui vous ferez gober vos sornettes, individu qui n'appartenez pas à notre milieu !).

Race (sa race)
Exprime le mécontentement.
Ex. : Sa race ! (Je suis d'humeur maussade). Sa race, c'bouffon ! (Mon anneau pylorique est fortement resserré et cela résulte de la proximité de cet individu).

Sérieux
Indique que le propos est grave, solennel, et qu'il faut donc lui accorder le plus grand crédit.
Ex. : Sérieux, j'kiffe trop son cul à votre fille (Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander votre fille en épousailles).

Tej
Jeter, refuser, réfuter, envoyer promener.
Ex. : T'aurais vu comment Jo il a tej la prof d'anglais ! (Le facétieux Jo ne s'est pas laissé déstabiliser face aux remarques motivées de la professeure d'anglais !).

Trop
Exprime l'intensité, synonyme de comment. Trop et comment peuvent parfois cohabiter dans la même phrase, pour exprimer une intensité très élevée.
Ex. : Trop la honte, ce blouson (Ce blouson est ridicule... et dans des proportions considérables). Trop comment je suis foncedé ! (J'ai fumé une quantité déraisonnable de concentré de cannabis. Je crains que mon acuité intellectuelle et ma pertinence en pâtissent pour la paire d'heures qui vient).

Truc de ouf
Désigne une chose peu commune, insolite, qui dépasse l'entendement.
Ex. : C'est un truc de ouf ! (Misère, mon entendement en est tout dépassé !).

Ziva
Indique que la demande est pressante.
Ex. : Ziva, fait méfu, sale chacal (Ne sois donc pas si avare de ta cigarette purgative et carminatoire et fais en profiter ton vieil ami qui piaffe d'impatience).

LA LANGUE INTERNAUTIQUE

La pratique des blogs et des réseaux associatifs s'est traduite par l'apparition d'un nouveau sabir dont voici un extrait savoureux. Le texte est de Monsieur X (respect de l'anonymat), résidant en Bretagne et manifestant son mécontentement sur sa page Facebook, suite à son interpellation pour infraction au code de la route.

“ BAIZE LES KEPI NIKER VS MERE BANTE DE FILS DE PUTE DE LA RENE DES PUTE… NIKER VS MERE
  VS ARIERE GRAN MERE ET TT VOTRE FAMILLE BANDE DE FILS DE PUTE DE VS MOR ”

De quoi rester coi ! Voici la traduction-interprétation qu'en fait Maître Eolas (*)
Après investigations poussées de votre serviteur, il s’avère que ce n’est pas du breton, mais bien du français. La frustration du scripteur l’a fait trébucher sur la syntaxe. On y perçoit en vrac une synecdoque (**) par laquelle l’auteur en désignant le couvre-chef, se propose en fait d’avoir une relation sexuelle contre nature avec la personne située juste en dessous, sans solliciter son consentement, affirme que ceux qui portent ledit couvre-chef pratiqueraient l’inceste avec leur génitrice (ils seraient donc tous frères), qui se serait en son temps livrée à la prostitution, rencontrant à cette occasion une véritable reconnaissance par ses pairs, et cette activité professionnelle serait à l’origine de la conception des gendarmes en question. Les femmes de leur famille seraient en outre dotées d’une longévité exceptionnelle, ce qui permettrait aux activités incestueuses de sauter la barrière des générations. Ces relations consanguines seraient d’ailleurs étendues aussi aux collatéraux. L’invocation finale de la mort laisse le lecteur sur sa faim, tant elle n’apparaît guère en cohérence avec ce qui précède. On perçoit néanmoins le souci d’être désobligeant.

(*) http://www.maitre-eolas.fr/
Samedi 9 octobre 2010, Le tribunal correctionnel de Brest a-t-il violé la loi ?

(**) Voir plus haut sur cette même page

ÇA N'A PAS DE SENS

PALINDROME
n.m. et adj.gr. palin, de nouveau, et dromos, course). Mot ou groupe de mots qui peut être lu indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche. Ex.: (voir ci-après)

Ses implications dans les relations internationales

Pourquoi les relations internationales se dégradent ? Il existe une cause apparemment méconnue et pourtant source d'une grande confusion. En effet, alors que les latins écrivent de gauche à droite, les arabes, eux, écrivent de droite à gauche. Il en résulte inévitablement des heurts sur toute la ligne.

Il existe heureusement un remède simple à cette situation lequel consiste à utiliser dans les relations diplomatiques uniquement des phrases palindromes. Comme elles peuvent se lire, donc aussi s'écrire, dans les deux sens, voilà de quoi réconcilier bien des antagonismes.

Voici quelques exemples :

  • ÉLU PAR CETTE CRAPULE
  • KARINE ALLA EN IRAK
  • UN ROC SI BISCORNU
  • LA MALADE PEDALA MAL
  • EH, ÇA VA LA VACHE ?
  • A L'ÉTAPE, ÉPATE-LA
  • NOËL A TROP PAR RAPPORT A LÉON
  • ÉSOPE RESTE ICI ET SE REPOSE
  • ÉRIC NOTRE VALET ALLA TE LAVER TON CIRÉ (1)
  • SEXE VÊTU TU TE VEXES
  • TU L'A TROP ÉCRASÉ CÉSAR CE PORT SALUT
  • ENGAGE LE JEU QUE JE LE GAGNE
  • UN ÉMIR FADA VENU DU NÉVADA FRIME NU
  • L'AMI NATUREL, LE RUT ANIMAL
  • ET LA MARINE VA VENIR A MALTE

Comme vous pouvez le constater, ces phrases sont à double sens mais leur sens est pourtant unique. (Illustration d'un cas de polysémie).

(1) Nous avons aussi connu un valet qui s'appelait LUC

Quant aux mots palindromiques, ils sont peu nombreux en français, voici l'essentiel :
Anna, erre, été, étêté, gag, ici, kayak, Laval, nanan, non, Noyon, radar, ressasser, rêver, rotor, sagas, serres, sexes, snobons, solos, sus, taxât, tôt, Ubu.

ÇA A DEUX SENS

Les vers totalistes riment syllabe par syllabe, de la première à la dernière.

Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment, de la tour Magne, à Nîmes.

Laurent-Pichat, virant, coup hardi, bat Empis.
Lors, Empis, chavirant, couard, dit : Bah ! Tant pis !
-- grande querelle des classiques et des romantiques

Dans ses meubles laqués, rideau et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.
-- Charles Cros

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VOTRE COMPTE EST BON !

Les systèmes de numération

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La base 10 qui sert aux systèmes modernes, bien qu'elle corresponde vraisemblablement aux dix doigts de la main humaine (1), n'est pas générale pour autant. Ainsi les Yuki, une ethnie amérindienne de Californie, utilisent-ils un système à base 8 (préfigurant nos octets informatiques), car ils comptent non pas sur mais entre leurs doigts. Les Babyloniens, quant à eux, recouraient aux bases douze ou soixante. La terminologie additive des nombres à laquelle nous sommes habitués (vingt-cinq = vingt + cinq) n'est pas plus inéluctable, en chol, une langue Maya du Chiapas, le comptage se fait par vingtaines (2) mais rapporté à l'unité supérieure : ainsi vingt-cinq sera énoncé comme "cinq vers deux fois vingt", que l'on peut expliciter en "cinq à partir de vingt, en allant vers quarante".

-- Jean-Marc Lévy-Leblond, Le Monde Diplomatique - Mai 2006


Pour un mathématicien le onzième (3) signifie une simple unité de plus, pour l'homme de la brousse qui ne peut compter plus loin que ses dix doigts, c'est une myriade incalculable.

-- Geoge Bernard Shaw (1856 - 1950), prix Nobel 1925

(1) On peut se poser des questions... Peut-être s'agit-il des deux mains ?
(2) Sans doute comptent-ils aussi sur les doigts de pied.
(3) Le onzième : l'objet suivant quand on en a déjà compté dix, et non la fraction.


Il y a des jours où je me sens comme un comptable à qui on aurait retiré la table.

-- rleb , 2004

UNE CATASTROPHE INTELLECTUELLE

Il y a cinquante ans, le général de Gaulle présidait à la création du ministère des affaires culturelles. La naissance de cette institution a précipité le déclin d’un autre projet, à présent méconnu : l’éducation politique des jeunes adultes, conçue dans l’immédiat après-guerre comme un outil d’émancipation humaine. Pour ses initiateurs, culture devait rimer avec égalité et universalité.
[...]
En France, quand on prononce le mot "culture", chacun comprend "art" et plus précisément "art contemporain". Le mot Culture, avec son singulier et sa majuscule, suscite une religiosité appuyée sur ce nouveau sacré, l’art, essence supérieure incarnée par quelques individus eux-mêmes touchés par une grâce — les "vrais" artistes. La population, elle, est invitée à contempler le mystère.
Entamée dès les années 1960 sous l’égide du ministère des affaires culturelles, la réduction de la culture à l’art représente une catastrophe intellectuelle pour tout homme ou toute femme de progrès. Si "culture" ne veut plus dire qu’ "art", alors ni l’action syndicale, ni les luttes des minorités, ni le féminisme, ni l’histoire, ni les métiers, ni la paysannerie, ni l’explication économique, etc., ne font plus partie de la culture. Entre cette dernière et la politique s’instaure un rapport d’exclusion. Et la gauche a un problème. Tel n’a pas toujours été le cas. Il fut un temps — pas si éloigné — où un petit groupe de militants nichés au coeur des institutions françaises tentait de faire rimer culture — populaire — et politique. [...]
Il y a désormais en France une culture officielle, une esthétique certifiée conforme, celle des scènes nationales de théâtre, par exemple, aux mises en scène interchangeables. Elle vise paradoxalement à manifester en tous lieux la liberté d’expression, pour peu que celle-ci ne désigne aucun rapport social réel, n’entraîne aucune conséquence fâcheuse et soit littéralement sans objet. Provocations adolescentes, esthétique ludico-décadente, citations ironiques... On s’y ennuie ferme, mais on y applaudit fort ! En même temps qu’il dépolitise, l’entretien du culte de la "culture" contribue à domestiquer les classes moyennes cultivées en réaffirmant la frontière qui les sépare des classes populaires.

-- Franck Lepage, ancien directeur du développement culturel à la FFMJC, De l'éducation populaire à la domestication par la culture, Le Monde Diplomatique, Mai 2009

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UNE PENSÉE QUI PROMEUT LE KITSCH, LE DÉRISOIRE

La politique des arts plastiques est entre les mains d'un clan de fonctionnaires sous influence. Ils décident de ce que doit être l'art d'aujourd'hui et excluent tout ce qui ne fait pas allégence à cette pensée qui promeut le kitsch, le dérisoire pompier, la transgression convenue. Ils se sont servilement alignés sur des choix conformes aux modes, au marché international, aux orientations données par les argentiers collectionneurs, riches et influents. [...] Je le regrette mais le ministère de la Culture, qu'il soit de droite ou de gauche, a accentué ce formatage.

-- Enest Pignon-Ernest, né Ernest Pignon, Nice 1942, artiste de l'image, interviewé par Théo Hazebroucq, dans Siné Hebdo du Mercredi 12 Août 2009

    

File: culture.html - Robert L.E. Billon, 2004-05-10 - Last update: 2013-01-21